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Pendant plus de quarante ans, Léon Werth n'a été qu'un nom. Un nom posé sur la page de garde du Petit Prince, que Saint-Exupéry, son ami, lui avait magnifiquement dédié. Tout le reste, l'homme, les dates, l'œuvre, était oublié.
Sans doute, Léon Werth (1879-1955) était-il un « bonhomme impossible », comme le notait Valéry Larbaud. Sans doute, sa plume rageuse et décapante de journaliste et de critique d'art décourageait-elle, parfois, jusqu'à ses amis. Il n'y pouvait rien. Ne supportant ni la sottise ni le mensonge, il contrôlait mal ses emportements...
Léon Werth Si l'on y ajoute un antimilitarisme et un anticolonialisme délibérés, affichés entre les deux guerres mondiales ou juste après, on comprend pourquoi Léon Werth fut aussi longtemps jugé peu fréquentable, et son œuvre introuvable. C'est-à-dire dix-sept ou dix-huit romans et récits que Viviane Hamy est allée dénicher à la Bibliothèque nationale ou dans la famille de l'auteur et qu'elle a entrepris d'éditer il y a vingt ans. Et c'est un enchantement. Après La maison blanche et Voyages avec ma pipe (1990), après Déposition, son journal des années 1940-1944, et 33 jours, son récit d'exode, édités l'an passé, voici un court récit, Caserne 1900, et un roman éblouissant sur la vie dans les tranchées, Clavel soldat.
Quand il arrive à la caserne pour dix mois de service militaire, il comprend vite que la discipline doit se substituer à l'intelligence pour le bien du service. Il sourirait volontiers des «cas de bêtise, aggravés de sottise» qui lui valent un nombre incalculable de jours de consigne. Mais il supporte mal «l'invincible tristesse de la caserne», peuplée «d'hommes machines». A vingt ans, note Léon Werth, on «distingue mal entre la liberté de l'esprit et la liberté du corps».
Quand commence la Grande Guerre, Léon Werth a trente-six ans. Il est libertaire et antimilitariste. Il a acclamé Jaurès pour son internationalisme. Mais comme plus d'un alors, il se porte volontaire pour le front, convaincu qu'il va «faire la guerre à la guerre». Cela durera quinze mois. Quinze mois de cauchemar, entre la mo­notonie et l'horreur. Clavel soldat met en scène des hommes ordinaires - instituteurs, paysans, fonctionnaires - qui ont quitté femme et enfants. Après quelques mois, il faut une faculté exceptionnelle à «renifler l'odeur d'une âme» pour discerner «ceux qui ne sont pas réduits complètement à l'état de bête de troupeau».

Clavel soldat et Caserne 1900, de Léon Werth, écrivain génial !

Clavel soldatClavel soldat est un témoignage, un réquisitoire contre le nationalisme, une analyse subtile de la situation de guerre, vécue au plus près. Mais c'est aussi une magnifique œuvre d'art, l'œuvre d'un écrivain qui est l'égal des plus grands. Tout, ici, est juste, sobre, dans la peinture de ces hommes résignés à mourir dans un «monde fermé, sec aux yeux, gras aux pieds». Arrive-t-il à Clavel de saisir une orange, il pense : «Sous l'écorce, il y a une chose non souillée, une chose que la guerre n'a pas touchée. Oserai-je l'éplucher ?» Des bonheurs d'analyse et d'écriture comme celui-là, il y en a à chaque page. Un chef-d'œuvre !

André MEURY.

« Clavel soldat » et « Caserne 1900 », de Léon Werth
Editions Viviane Hamy, 20 € et 12 €.

« Léon Werth, l’inclassable, nous donne à lire un livre salutaire. Avec son sourire et sa hargne il dit où se trouve l’imbécillité. Et comment s’en protéger. Plus utile que jamais. » André Rollin, Le Canard enchaîné

Octave Mirbeau et Léon Werth, par Pierre MICHEL et sa communication orale : http://archives-sonores.bpi.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=2161

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